• Si la théorie des catégories doit pouvoir formaliser des situations en dehors des mathématiques pures, il semble souhaitable de l'élargir quelque peu, en particulier en ce qui concerne la typologie des morphismes : on doit pouvoir introduire plusieurs types de flèches, ne se composant entre lles que si elles appartiennent au même type.




    Un exemple simple peut le faire comprendre : soit une famille composée de trois membres, père, mère et fils, soit trois objets : P, M , F. Une première catégorie est obtenue en prenant entre ces objets la relation d'ordre "taille" : il y a une flèche entre P et F si F a une taille plus grande que P :



        P ---------> F   ssi F plus grand que P



    On peut introduire bien d'autres relations d'ordre, par exemple l'âge, le poids, etc...en prenant l'âge, P sera évidemment plus vieux que F et l'on aura une deuxième sorte de flèche , mais cette fois :



        F  --------->> P  : P plus vieux que F



    et évidemment les flèches 1 ne se composeront pas avec les flèches 2.



    Un exemple un peu plus élaboré, appartenant au domaine de la physique mathématique, peut être trouvé dans l'article "Causal sites as quantum geometry" de Louis Crane et Daniel Christensen, à l'adresse suivante :



               http://arxiv.org/PS_cache/gr-qc/pdf/0410/0410104.pdf


    On y définit un site (ou espace-temps) causal comme un ensemble de "régions" muni de deux relations d'ordre partiel , c'est à dire, si on le voit comme une catégorie, de deux types de morphismes: une relation d'inclusion ≤ (qui n'est pas forcément à prendre au sens ensembliste), admettant un objet initial et des coproduits Û (unions), et une relation "causale" → , avec en outre des relations de compatibilités entre les deux types de flèches:


     A ≤ B → C  entraine  A → C  ; A → B et A ≤ B entrainent A → A  ;  A → C  et B → C entrainent A Û B → C.


    Les auteurs catégorifient leur notion de "site causal" (terminologie malheureuse car elle crée la confusion avec ce qu'on appelle en théorie des catégories un "site") au moyen de ce qu'ils appellent une "2-catégorie faible" (c'est à dire ce qui est normalement appelé bicatégorie) mais on peut voir facilement que clea peut être formalisé plus commodément par une "catégorie double" dont la cellule de base est un carré:


                                                  A ≤  B


                                                  ↓      ↓


                                                  C ≤  D


    C'est Ehresmann qui semble t'il invente la notion de catégorie double sous la forme d'un ensemble muni de deux ordres, vers la fin des années cinquante. Un exemple en est ce qu'il appelle la "catégorie double" des quintettes


     


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  • La fameuse thèse émise par Alain Badiou dans "L'être et l'évènement" :






    "l'ontologie, ce sont les mathématiques"






    a pu sembler surprenante, choquante, voire révolutionnaire à beaucoup. Mais il semble qu'elle résulte d'une longue histoire de débats et de pensées.






    Jean François Courtine a écrit avec  "Surarez et le système de la métaphysique" un ouvrage tout à fait utile pour comprendre l'évolution de la pensée métaphysique occidentale à l'époque du jésuite Francisco Suarez, moment charnière se situant entre les grands auteurs médiévaux tant arabes que latins, et la modernité issue de Descartes et Spinoza au 17 ème siècle. Les "Disputationes metaphysicae" de Suarez, véritable "somme" de la métaphysique depuis Aristote, datent de 1597, les "Regulae ad directionem ingenii" de Descartes de 1630, le "Discours de la méthode" de 1637.






    Le chapitre : "Brève remarque sur le débat Descartes-Suarez" du livre de J F Courtine est tout à fait précieux, en ce qu'il permet de faire clairement le point sur la signification de la "Mathesis universalis" dont parle Descartes dans les "Regulae" (et dont il ne parle plus dans les ouvrages ultérieurs).





    Les analyses faites par Courtine permettent de lire Descartes dans l''horizon de la métaphysique moderne, qui est mis en place entre autres par suarez, et qui se caractérise par l'irruption de "l'objectité".





    Dans cette optique, les "Regulae" sont aux "Meditationes de prima philosophia" ce que l'ontologie générale, ou "metaphysica generalis" (discours sur l'Être en tant qu'Etre, selon Aristote) , est à la "metaphysica specialis", ou discours philosophique traitant de la théologie, de la psychologie et de la cosmologie (de l'âme et de Dieu).




    Jean-Luc Marion, dans "L'ontologie grise de Descartes", replace lui aussi les thèses des "Regulae" dans le projet général cartésien d'explication avec Aristote sur l'ontologie. Ontologie caractérisée par lui comme "grise" parce que l'objet y remplace la chose, la mathématisation y remplace l'ousia aristotélicienne, dans la "grisaille" de l'époque scientifique (Henry, autre philosophe chrétien, semble bien proche de Marion là dessus).




    Donc l'ontologie dont parle Badiou, qu'il rattache explicitement à la définition aristotélicienne de discours sur l'Etre en tant qu' être (ou sur l'étant en tant qu'étant), et qu'il identifie aux mathématiques, ou plus précisément à la théorie des ensembles ZF, est l'ontologie générale, et correspond à la mathesis universalis (qui n'est pas la mathématique universelle d'Aristote) de Descartes dans les Regulae, et à la metaphysica generalis de Wolff.




    La "prima philosophia" de Descartes est tout autre chose que son ontologie générale, ou mathesis universalis : il s'agit de la science du divin, en tant que premier dans l'être (dans l'ordo essendi, ou ordre synthétique, pas dans l'ordo cognoscendi, ou ordre analytique). Et cette prima philosophia, ou science divine, est le thème des Méditations, qui viennent après le projet d'ontologie générale. Méditations qui développent une recherche d'ordre ontique, venant après donc, comme il est normal, l'ontologie préalable, et présupposée, des Regulae. La chose est appréhendée, dans la métaphysique spéciale des Meditationes, en direction de son existence, dans son rapport donc à l'ego, suivant la thèse centrale cartésienne.



    Mais dans la metaphysica generalis des Regulae, nous trouvons une méditation métaphysique qui vise la chose en son "inquantum", dans sa réalité, procédant de manière générale, universelle (generaliter et universaliter) : l'étant est dans les Regulae uni-versé à son "être", et cette référence universelle est nommée "mathesis universalis". Ce terme constitue la réponse du Descates des Regulae à l'anonymat de la "science recherchée" (epistèmè zètoumènè) d'Aristote.



    Cette mathesis est aussi caractérisée comme "méthode générale" , qui s'étend à tout : dans une lettre à Mersenne de 1636 il précise qu'il s'agit d'une méthode "par laquelle je pourrais aussi bienexplquer toute autre matière (que la géométrie l'arithmétique ou la diotrique)".



    Dans ces lettres de 1636, on trouve donc la préoccupation de la science universelle comme méthode générale, tout comme dans les Regulae. Courtine va ici bien plus loin que Marion (et, à notre sens, il a raison) en ce qu'il montre que les Regulae constituent précidément une entreprise d'ontologie générale : "de omni re scibili".



    Dans cette métaphysique générale, l'étant est pris en vue dans son "in quatum" comme "mensuratum" et "ordinatum", donc selon l'odre ontologique de la série, série qqui s'origine à partie de l'unité dispositionnelle de la Mathesis. Cet ordre constitue une réplique à la doctrine aristotélicienne de l'unité par référence à un "premier" ("pros en"). Tous les étants se trouvent référés à l'unité d'un savoir transgénérique et transcendantal : la Mathesis universalis, qui est aussi la Sapientia universalis, "Sagesse humaine" qui reste une et la même, comme la lumière du soleil est Une tout en éclairant de nombreux objets différents.


    La mathesis des Regulae doit s'entednre prioritairement en fonction de l'adjectif déterminant : universalis. L'universalité de la Mathesis est première, en ce sens qu'elle n'a pas à être fondée sur une "primauté", ni se substituer à une philosophie première, au sens théologique.


    Par contre Descartes précise clairement, dans la Règle IV des Regulae,  qu'à ses yeux elle ne constitue pas la plus haute des sciences, ni une science suprême. La Mathesis y est située dans sa position propre qui est l'universalité, l'unité originaire qu'elle EST, donc en tant que science fondamentale, mais non suprême ou "divine"; l'ontologie prend ici la figure de "science de la science", et cette unité première de la science conduit ensuite à celle de l'anima : elle est l'unité et l'identité de l'humaine sagesse.


    La thèse de Badiou ( "l'ontologie, c'est la mathématique") n'est donc pas si révolutionnaire, ou nouvelle, que l'on pourrait bien le croire si l'on ignore le corpus de la métaphysique. Par contre il nous semble qu'elle se caractérise par une régression intellectuelle par rapport à son modèle originaire cartésien.


    Elle provient en effet, ou mène à, une confusion entre mathématique universelle (ou, chez Badiou, théorie des ensembles) et "mathesis universalis" en tant que scientia generalis chez Descartes; or la règle IV des Regulae, qui se construit sur une opposition entre deux "mathesis", interdit justement une telle confusion ou identification.


    Cette régression est selon nous l'un des plus importants symptômes de "l'ombre de cette pensée", pour appliquer à Badiou ce qui a été dit sur Heidegger.


    Une telle confusion sera t'elle évitée si l'on identifie "mathesis universalis" à théorie des catégories ?


    oui, ou du moins cela pourrait être notre hypothèse de travail, si l'on ne restreint pas la "théorie des catégories" à son pur appareil formel mathématique, mais si on la "plonge" dans un processus  philosophique plus général, ou transcendantal si l'on veut, consistant à isoler et expliquer, à l'intérieur d'un système unique, sa "solidité" de pensée (au sens de Wolff : "soliditas").


     Un tel système doit bien sûr s'appuyer sur la mathématique universelle dans sa forme catégorique, et sur son application à la physique notamment. C'est en vue de sa mise en oeuvre que ce blog est fait.


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  • quelques mots d'abord sur cette nouvelle rubrique "MATHESIS" et son caractère spécifique.







    il s'agit de faire apparaitre "la chose même" qui est l'objet de ce blog, à savoir la "Mathesis universalis", ou du moins, restons modestes, de poser des jalons en vue de cet objectif.







    A ce titre les articles rentrant dans cette catégorie seront plus "techniques" que les autres, bien que, et j'y insiste, il ne s'agisse pas purement et simplement de mathématique. Nouis suivons ici, comme cela a d'ailleurs déjà été précisé, Descartes : la "Mathesis universalis" n'est pas (seulement) la "mathématique universelle" dont parlaient les prédecesseurs de Descartes. Elle est pour nous la science générale et universelle qui est aussi (cf les "Regulae" ) "l'humaine Sagesse", sous la forme d'une théorie de tout savoir objectif et rigoureux. C'est à dire, en somme, la philosophie. Et elle comprend donc la métaphysique.







    Les articles de cette catégorie seront aussi une sorte de "chantier permanent" : ils pourront à tout moment être modifiés, complétés, voire supprimés. Cependant ils pourront aussi rester en l'état assez longtemps.






    Je dois aussi avertir qu'il s'agit d'une "aventure d'idées" plutôt que de l'exposition d'un savoir ou d'une théorie: il se peut donc que tout cela reste cconfus et insatisfaisant assez longtemps, voire toujoursHorreur !.







    La théorie mathématique des catégories sera grandement mise à contribution, puisque, comme nous l'avons déjà expliqué ailleurs, nous considérons qu'il s'agit non pas d'une théorie mathématique particulière, mais de la nouvelle forme que prennent les mathématiques et qui ouvre en même temps sur un "au delà " de la pure et simple mathématique, puisqu'il s'agit de la théorie générale de l'objet et de la relation. il s'agit donc de la forme rudimentaire de la mathesis universalis.







    Cette catégorie n'est pas réservée aux mathématiciens, puisque, encore une fois, il ne s'agit pas (seulement) de mathématique, ni de "philosophie des mathématiques", mais de philosophie, de philosophie sous une nouvelle forme, entièrement rigoureuse et scientifique : mais compte tenu de ce qui vient d'être dit, elle ne pourra être lue avec profit que par les persones disposant déjà d'une connaissance rudimentaire du vocabulaire des catégories et foncteurs. De nombreux sites web existent pour cette étude préliminaire, et les références ont été données ici ou sur le forum MSN associé:





    http://groups.msn.com/mathesisuniversalis





    ainsi que sur l'autre blog associé à celui ci :





    http://mathesis.over-blog.com





     Concernant pour finir les mathématiciens "purs" qui liraient ce blog, s'il y en a, je dois aussi les avertir qu'ils risquent d'être déçus s'ils croient trouver ici des travaux seulement mathématiques. Le but de ce blog n'est pas de démontrer de nouveaux théorèmes. 





    Nous commençons donc par les structures algébriques. Pourquoi elles ? on sait qu'on départage traditionnellement les structures mathématiques en structures d'ordre, structures topologiques et structures algébriques. Mais la théorie des catégories réalise en quelque sorte une "algébrisation" de toute la mathématique universelle.





    Une mathesis universalis qui, selon la voie tracée par Descartes, se préoccuppe de la "mathématicité" de la mathématique universelle, c'est à dire de "fonder" une science non plus de la simple quantité discrète ou continue, mais de tout ce qui se peut dire rigoureusement "selon l'ordre et la mesure", une telle mathesis donc doit privilégier la forme algébrique.





    Groupes et groupoïdes.





    Commençons très simplement par les groupes, qui sont l'archétype de la structure mathématique moderne, apparue avec Galois.





    On sait qu'un groupe G peut être envisagé comme une catégorie ayant un unique objet, appelé G, et dont les morphismes correspondent aux éléments du groupe.




    L'élément neutre e du groupe correspond au morphisme identité, et la loi de composition des éléments du groupe à la composition des morphismes, qui est associative selon les axiomes des catégories. Le fait que tout élément du groupe ait un inverse se traduit en langage catégorique par : tout morphisme est un isomorphisme (c'est à dire possède un inverse).


    A tout objet C d'une catégorie quelconque on peut associer le monoïde des endomorphismes de C, c'est à dire des flèches : C → C, et le groupe des automorphismes, cad les isomorphismes, ou flèches inversibles, C → C.


    Philosophiquement parlant, nous interprétons le morphisme identité pour un objet dans une catégorie, qui est l'élément neutre de ce monoïde des endomorphismes ou de ce groupe des automorphismes, comme la trace de l'Un métaphysique.


    On peut développer ceci à propos des relations d'ordre sur les monomorphismes, que nous allons sommairement rappeler :


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