• AMADEUS

    Je ne suis pas spécialiste, mais il semble que le film de Milos Forman, Amadeus (1984) s'éloigne un tant soit peu de la vérité historique :

    http://fr.wikipedia.org/wiki/Amadeus_(film)

    mais peu importe, car il raconte une histoire , et quelle histoire chargée de sens, et c'est ainsi qu'il faut le considérer.

    Comme c'est Antonio Salieri qui parle , lors de sa confession en 1823, c'est bien lui le personnage central du film. Et toute l'intrigue consiste en la descente aux enfers de cet homme qui s'est voué à Dieu et à la musique, à la musique comme service de Dieu, comme rendant grâce à Dieu.

    J'ai beaucoup apprécié le film, que j'ai vu plusieurs fois, malgrès ses défauts évidents, mais si j'en parle ici, c'est évidemment parce qu'il s'agit d'une illustration presque parfaite du discours que je tiens ici depuis des années.

    C'est d'ailleurs là l'un des principaux défauts du film : le trait est un peu trop forcé, le personnage est presque caricatural, en particulier au cours de la scène où, dépité, il raconte brusquement à l'ecclésiastique qui l'entend en confession, après sa tentative de suicide , la manière dont brusquement il a décidé de ne plus servir dieu , mais au contraire de contrecarrer ses desseins, par jalousie envers Mozart. Ce Mozart qui lui est tellement supérieur musicalement parlant, et encore, supérieur n'est pas le bon terme : Mozart est l'infini, Salieri le zéro, et il le sait, puisqu'il est musicien.

    Et ce savoir le tue.

    quel est il, le sens ? il est tellement évident que l'on pourrait là aussi accuser Forman d'avoir forcé le trait. Je ne le connais pas, je ne sais pas quel était son but, peut être, sans doute même, compte tenu de ce que je sais quand même de lui, voulait il faire un film athée, montrant que le génie (et Mozart est un génie, personne ne pourra le nier) est non seulement par delà le Bien et le Mal, mais par delà Dieu et le diable.

    Salieri sacrifie tout à Dieu, il se voue entièrement à lui et à sa gloire pense t'il, il sacrifie même sa vie sexuelle en s'obligeant à rester chaste pour mieux "sublimer" dans sa musique (croit il).

    Eh bien non ! Salieri est profondément impie et athée.

    Le véritable esprit religieux, c'est Mozart, Mozart qui dans le film est le paillard qui trousse toutes les jolies filles qui passent à sa portée, Mozart qui s'nivre, Mozart sûr de lui même et d'un immense orgueil, l'orgueil des gens vraiment supérieurs et qui le savent.

    Seulement, pour s'en convaincre, il faut accepter les thèses énoncées ici à propos du dieu des philosophes, qui est le Dieu véritable, le Dieu en esprit et en vérité, et de son opposition et incompatibilité radicale avec le Dieu des religions, le Dieu d'Abraham.

    Car à quel "Dieu" peut on "sacrifier" quelque chose, ce que l'on a de "meilleur" : le premier né des israélites dans la Torah, et notamment Isaac, premier né d'Abraham, ou Ismael dans le Coran ?

    Au Dieu d'Abraham , pour qu'il nous rende quelque chose en retour, ne fût ce que pour que sa colère ne s'enflamme pas contre nous!

    Cela, c'est l'esprit de sauvagerie qui animait les antiques tribus au milieu desquelles est né le monothéisme, et c'est l'esprit qui anime Salieri.

    il sacrifie tout à Dieu, et pense "mériter" quelque chose en retour, la gloire musicale. Or quand il voit que c'est Mozart qui obtient cette gloire, Mozart le paillard, Mozard le buveur, Mozart le moqueur, le méprisant, alors Salieri commence  à sombrer dans la folie.

    Car enfin : quand on croit au Dieu des religions (et Salieri y croit) , le Dieu qui sait tout et qui peut tout, comment peut on former le projet de "lutter contre les plans de Dieu" ? à moins d'être complètement fou !

     Salieri sombre donc dans la folie, et tombe dans l'enfer de "ces 32 années de torture" que Dieu lui a donné de vivre après la mort de Mozart.

    Mais cette folie, elle était déjà en lui depuis le début : elle consiste à vouloir "échanger" quelque chose avec Dieu : je te sacrifie ma vie , je reste chaste pour Toi, mais en retour tu me dois la Gloire, sinon tu n'es pas juste.

    Comme il en va différemment avec le Dieu des philosophes, et avec la religion épurée de tout soupçon de matérialisme que la philosophie véritable a pour "mission" de promouvoir !

    Le Dieu des philosophes n'est pas "quelqu'un " qui nous connaît individuellement par notre nom et a la "puissance" d'intervenir dans le cours des évènements pour nous punir ou nous récompenser.

    Il est radicalement immanent à la conscience, et la "récompense" ou la "punition" , c'est nous même qui nous l'infligeons ou nous la conférons!

    La chute dans l'enfer qui est celle de la vie de Salieri, ce n'est rien d'autre que sa propre manière délirante d'envisager la vie et le monde.

    Ici encore, je ne peux faire mieux que de citer, encore une fois, Brunschvicg :

    «si les religions sont nées de l'homme, c'est à chaque instant qu'il lui faut échanger le Dieu de l'homo faber, le Dieu forgé par l'intelligence utilitaire, instrument vital, mensonge vital, tout au moins illusion systématique, pour le Dieu de l'homo sapiens, Dieu des philosophes et des savants, aperçu par la raison désintéressée, et dont aucune ombre ne peut venir qui se projette sur la joie de comprendre et d'aimer, qui menace d'en restreindre l'espérance et d'en limiter l'horizon....

    Dieu difficile sans doute à gagner, encore plus difficile peut-être à conserver, mais qui du moins rendra tout facile. Comme chaque chose devient simple et transparente dès que nous avons triomphé de l'égoïsme inhérent à l'instinct naturel....

    ....le juste parfait, quelle que soit sa destinée, du point de vue physique ou social, est heureux non en songeant à l'avenir, par l'espoir d'un temps où serait matériellement compensé et récompensé le sacrifice actuel, mais par une joie immédiate, intérieure et pleine qui ne laisse place à aucune idée de sacrifice....

    ....L’hypothèse d’une transcendance spirituelle est manifestement contradictoire dans les termes ; le Dieu des êtres raisonnables ne saurait être, quelque part au delà de l’espace terrestre ou visible, quelque chose qui se représente par analogie avec l’artisan humain ou le père de famille. Étranger à toute forme d’extériorité, c’est dans la conscience seulement qu’il se découvre comme la racine des valeurs que toutes les consciences reconnaissent également»

    Ne dirait on pas que ces paroles ont été prononcées à l'intention de Salieri, pour le ramener à la raison peut être et le "sauver" ?


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