• I drink the blood of Lamb

    Je me suis procuré récemment le DVD du chef d'oeuvre de Paul Thomas Anderson : "There will be blood" au sujet duquel j'avais déjà écrit deux articles en avril 2008 :

    http://principiatoposophica.blogg.org/date-2008-04.html

    (l'autre film, "Punch drunk love", qu'il avait réalisé quelques années avant, est lui aussi un très grand film).

    La scène finale, celle du meurtre dans le bowling, est à mon avis l'une des plus grandes du cinéma de tous les temps, à égalité avec celle de la fin de "Citizen Kane", d'ailleurs les deux films supportent la comparaison : même puissance, même noirceur, même génie...

    Je n'ai rien à changer aux développements que j'avais consacré en 2008 à cette scène, et spécialement à la dernière phrase de Daniel Plainview, qui clôt le film  : "I am finished !"

    Incontestablement, nous voyons là le Mal s'exprimer en direct, pour ceux qui douteraient encore de son "existence", et ce n'est pas parce qu'il s'agit d'une oeuvre de fiction que cette "existence" serait douteuse!

    Autre partie du dialogue à garder en mémoire... toujours lors de cette scène finale, quand Daniel Plainview, après avoir forcé Eli à hurler : "I am a false prophet and God is a superstition!", en lui laissant croire qu'il s'agit de la condition pour qu'il travaille pour lui, lui déclare tout de go qu'il vient de le berner une dernière fois, et qu'il a pompé tout le pétrole, même celui qui ne lui appartenait pas, par la technique du "drainage":

    "I drink your water ! I drink it up, every day ! I drink the blood of Lamb at Bandy's tract !"

    ou, pour parler en termes plus clairs : "Je t'ai trompé et volé depuis le début ! j'ai gagné et tu as perdu !"

    et, pour "signifier" complètement cette "victoire", il le tue !

    Il s'agit là , tout simplement, de la "lutte pour l'existence", de la concurrence capitaliste, poussée jusqu'à ses conséquences extrêmes... jusqu'à sa vérité profonde !

    Il s'agit, aussi, de cette "Nature" dont on nous rebat les oreilles....cette "Nature" dont Hitler disait qu'il falait toujours l'imiter, ce qui veut dire : laisser les "faibles" être éliminés, et les " forts" gagner...ce qui veut dire : continuer dans l'existence, qui consiste en la lutte pour la survie.

    Mais mon but ici n'est pas de faire de la morale à deux sous : pourquoi est ce qu'il s'agit du Mal ?

    Parce que l'homme n'est pas (ou n'est pas seulement) un être naturel !

    On peut retourner les choses dans tous les sens : si tout se limite à la Nature, alors nous ne devons pas former l'idée du Mal (absolu) et en particulier nous ne pouvons pas dire que le nazisme en est un exemple.... certes le meurtre, le vol doivent être réprimés par la loi, mais juste dans le but de maintenir une paix publique relative, mais pas "dans l'absolu", ce qui exclut toute portée véritable et universelle pour les "dix commandements" bibliques, ou pour la déclaration des droits de l'homme.

    C'est à dire : il n'y a de "mal" que relativement à une certaine loi, et à une certaine "communauté" de peuplement.

    Or nous "sentons" bien que nous ne pouvons esquiver le problème et la nécessité de  la portée universelle de certaines normes (de pensée en particulier, avec les normes mathématiques).

    Mais cet "appel" au "sentir" ne me satisfait pas (et j'ai bien tort, puisque Spinoza lui même  y fait appel quand il dit que "nous sentons" que nous sommes éternels).

    Le Mal, c'est à dire la limitation de l'être à l'existence naturelle, c'est aussi la complaisance pour le fini , pour la "finitude".

    Et c'est d'ailleurs là à mon avis le sens de la phrase qui termine le film : "I am finished". On peut la lire de deux manières : soit c'est un jugement de constat de la finitude naturelle (comprenant la mortalité, mais pas seulement) qui ouvre, comme jugement, sur untre chose, sur l'Infini, sur le Vrai Bien de spinoza, sur le Dieu de Descarters, le Dieu des philosophes.

    Soit c'est un aveu complaisant... et c'est bien le cas ici.

    Dans cette perspective est paru récemment un livre prodigieux de Jean-Michel Le Lannou : "L'être décomposé".

    Jean Michel Le Lannou avait déjà livré un exposé de haute volée sur "Brunschvicg et la puissance de la pensée" aux journées consacrées à Brunschvicg et Bachelard les 6 et 7 février derniers, dont je parle ici :

    http://sedenion.blogg.org/index.php?tag=Le+Lannou

    Le sens de la philosophie, de la pensée véritable,  ce n'est rien d'autre que la "puissance de pensée", ou encore la "force de pensée" selon la terminologie de la non-philosophie de Laruelle, qui nous permet de nous "définitiser", de rompre avec la complaisance pour le fini, et avec l'idée que la Nature est réelle.

    Là est l'issue face au Mal qui nous accable, nous le voyons de plus en plus, et que des films comme "There will be blood" et "No country for old men" décrivent à leur manière:

    http://principiatoposophica.blogg.org/index.php?tag=Coen


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