• Johan Gottlieb FICHTE : c'est sans doute le plus important des philosophes de ce qu'il est convenu la "métaphysique allemande", qui a pu être comparée à ces hautes chaines de montagnes majestueuses par rapport aux quelles notre philosophie contemporaine, analytique ou continentale d'ailleurs, apparaitrait comme aimables collines pour randonneurs touristiques pas très sportifs (en fait je crois que la comparaison avait été faite pour la philosophie analytique).


    C'est en tout cas le seul qui ne cède pas (le comparer à Schelling sur ce point !)  aux prestiges trompeurs de la "philosophie de la Nature", si poétique, si attirante par rapport aux sèches abstractions mathématiques de la science : oui , mais le fait est que ce sont les sèches abstractions qui sont en prise avec le réel.


    Et ce n'est sans doute pas un hasard si Brunschvicg le place au plus haut, avec Descartes et Spinoza.


    Il est cepndant clair que Fichte critique Spinoza sur la notion de substance et de Dieu substantiel : ce qui forme le fond de la querelle de l'athéisme , c'est cela, et Fichte s'en explique très clairement : ce que n'ont pas admis les pouvoirs en place, et la raison pour laquelle ils l'ont forcé à quitter son poste, c'est que sa conception de dieu ne laisse aucune place à un dieu substantiel, un dieu qui "existerait" dans le monde, ou dans "l'Etre", à part de nous, en face de nous. Un Dieu qui serait un "étant", ou même un "sur-étant". C'est cela qui n'a pas été admis, et un intellectuel comme goethe a applaudi des deux mains à la décision de réprimer Fichte.


    Mais Fichte est un esprit très religieux, et sa "seonde période", comme il est admis généralement, accorde une importance cruciale à la philosophie de la religion.


    Au fond, sa conception de l'absolu complète celle qui est développée ici de Dieu comme Raison en acte s'autodéveloppant. Il le voit comme liberté, comme évènement du Moi libre se posant, surgissant de par son auto-position.


    Mais la Raison ne peut être que Liberté, si l'on y réfléchit bien, plus précisément raison et liberté ne peuvent être que les deux faces d'une même médaille qui est l'absolu, puisque l'on ne peut remonter au delà sans se contredire : c'est la raison qui donne les explications, et donc on ne peut remonter à un au delà de la Raison pour expliquer le fait qu'il y ait la Raison.


    De même le caractère de l'acte absolument libre est qu'il se suffit à lui même, qu'il se fonde lui même, qu'il ne saurait avoir d'autre fondement que lui même.


    On peut donc poser l'équation : Raison= Liberté = Moi surgissant librement (cad : se posant librement lui même).


    Au fond, le fameux théorème d'incomplétude de Gödel en est une confirmation, de cette identité de la raison et de la liberté, contre ce qui serait le rêve d'une mécanisation de la pensée (si le scientisme a existé, alors il a été ce rêve, ou plutôt ce cauchemar)


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  • La conception de l'absolu défendue ici, à savoir qu'il s'agit de la Raison ou Pensée pouvu d'une valeur de vérité et de procédures intersubjectives de véirfication et de justification, se développant dans le Temps, a fait l'objet d'une critique sur divers sites web de la part de l'animateur des sites "Philosophie contre superstition", qui se réclame de Spinoza, de Constantin Brunner ainsi que de la mystique authentique de Jésus et Bouddha qui a été selon lui pervertie par les religions.



    On pourra prendre connaissance de cette critique sur le lien suivant, en lisant les articles titrés "Deus sive Ratio" avec ses suites 1 et 2 :



    http://philosophiecontresuperstition.over-blog.com/article-3100318.html



    Je me suis inscrit sur ses deux sites "Philosophie contre superstition" Yahoo et MSN (j'étais inscrit sur le premier depuis plusieurs années) dans le but d'engager un dialogue. A la réponse donnée sur le site Yahoo n'a été donnée qu'une réponse par email privé, où cette personne ne répondait d'ailleurs pas à mes objections, se contentant de citer Spinoza (hors de propos d'ailleurs) en m'affirmant que je n'y avais rien compris; et à la réponse donnée quelque jours après sur le forum MSN, aucune réponse n'a été donnée : il s'est contenté de me radier des deux sites en effaçant mes réponses. Je ferai d'ores et déjà observer qu'une pensée qui fuit toute proposition de dialogue rationnel est assez suspecte.



    Je considère donc que je puis reprendre ma liberté de parole, et répondre à la critique qui m'a été adressée. Une première réponse d'ordre très général a été postée sous le titre "De Spinoza à Whitehead" :





    Je désire y ajouter ceci, plus axé sur Spinoza, et qui reprend d'ailleurs la plupart des réponses et objections que j'avais apportées sur les sites "Philosophie contre superstition", avant que celles ci ne soient effacées.



    L'argument ontologique de Spinoza:



    On sait que l'Ethique contient une démonstration de l'existence de Dieu (défini comme substance dans la définition 6) aux propositions 7 et 11 de par une argumentation qui n'est qu'une variante de ce que l'on appelle "argument ontologique", et qui consiste à déduire l'existence nécessaire de Dieu de son Essence. Or ce genre d'argument a été réfuté par Kant dans son célèbre développement sur les "cent thalers possibles qui ne diffèrent en rien quant à l'essence de cent thalers réels". Il existe une autre ligne de réfutation plus claire et plus rigoureuse de l'argument ontologique , que l'on doit à la philosophie analytique, et qui consiste à dire que l'existence n'est pas une propriété de l'être mais du concept par lequel on l'a défini : ainsi, dire "il existe des hommes" revient à dire que l'ensemble des hommes contient un élément ou plus. On ne saurait donc déduire que "Dieu à la propriété d'existence" de sa propriété de perfection, en argumentant que Dieu ne pourrait être parfait s'il lui manquait la propriété d'exister, puisque l'existence est une propriété du concept par lequel on a défini "un Dieu, ou une Substance en général".



    Par contre je tiens que ma preuve de l'existence de Dieu (comme Raison) exposée sur ce blog est en fait la véritable forme de l'argument ontologique, qui échappe aux réfutations qui viennent d'être exposées, car elle ne "démontre" pas l'existence de son objet, mais le FAIT exister par le fait même qu'elle est examinée et comprise : en effet, la recherche pour savoir s'il y a un absolu commence par examiner rationnellement les différents arguments pour ou contre, et notamment par l'examen de ma preuve qui prétend exhiber un tel absolu, la Raison. Mais par cela même qu'on l'examine, on reconnait que l'on est (soi et les autres) pourvu d'une capacité de discriminer le vrai du faux par l'enquête rationnelle, et que l'on emploie cette capacité dans l'examen de la preuve. Donc on reconnait qu'il y a bien une Raison et que cette preuve, entre autres, la fait opérer et donc exister. Et si l'on refuse d'examiner ma preuve, celle ci n'est pas réfutée, et donc tient jusqu'à preuve du contraire!



    J'affirme aussi que tout autre conception de l'Absolu dépend de cette Raison que j'ai affirmée être l'absolu, et qui est donc en position d'un "objet initial" dans la catégorie de tous les "concepts possibles de l'Absolu" : en effet, si quelqu'un donne une définition de l'absolu, à examiner, cet examen ne peut se faire qu'au moyen de l'enquête rationnelle. Cet absolu dépendra donc de la validité de la Raison humaine, et donc ne pourra être l'absolu s'il est différent de la Raison puisqu'alors il dépendrait d'un Autre que lui.



    Ceci peut être vérifié à propos de la conception spinozienne du Dieu-Substance donnée à la définition 6 de l'Ethique :



    "Par Dieu j'entends un être absolument infini, c'est à dire une substance constituée par une infinité d'attributs chacun d'eux exprimant une essence éternelle et infinie"



    Comment ne pas voir que cette définition dépend du sens que l'on donne aux mots "éternité" et "infini" ou "attributs", qui soit n'est pas clair soit est relatif seulement à un type de langage : car le concept d'attribut se rapporte à la scission sujet-prédicat propre seulement aux langages indo-européens, et qui ne vaut absolument pas par exemple pour les "entités" de la physique quantique, comme l'ont montré des philosophes de la physique comme Michel Bitbol ou Bernard D'Espagnat. 



    De même, pour "infini", la forme même de la définition donnée par Spinoza laisse entendre qu'il s'agit de l'infini quantitatif. Or les découvertes de Cantor, réalisée deux siècles après Spinoza, ont révélé qu'il existe une infinité d'infinis mathématiques différents : les alephs de Cantor, dont les deux premeirs sont le cardinal des entiers naturels (puissance du dénombrable) et celui de R (puissance du continu). La définition donnée par Spinoza est donc ici floue, ce qu'il ne pouvait évidemment pas savoir à son époque. Et le manque de rigueur dans les définitions est en philosophie une faute.



    Enfin le concept de l'éternité n'est pas non plus clair, et dépend de la conception que l'on se fait du Temps, qui est actuellement l'enjeu de débats entre physiciens ou philosophes.



    Si l'on doit en tout cas un jour donner une entière clarté et rigueur conceptuelle à cette définition, cela ne pourra se faire que par le développement de la connaissance philosophique et mathématique, et cela dépend donc de la Raison, qui se trouve donc confirmée dans sa position d'Absolu (se développant dans le Temps bien sûr, donc ne pouvant pas être compris par les mystiques adeptes des conceptions parménidiennes de l'Etre) dont dépend tout Autre absolu éventuel pour sa validation. Or comme il ne peut y avoir qu'un seul Absolu (de par la démonstration de Spinoza, qui est ici valide) , il est établi que c'est ma conception qui est la bonne, et la critique de l'animateur de "Philosophie contre superstition" est définitivement réfutée.



    Quel enseignement retirer de cet épisode ? c'est que la pensée de type mystique (qui est celle de mon contradicteur) ne supporte absolument pas de descendre dans l'arène du débat contradictoire. S'il existait un "Penser spirituel" absolument transcendant et supérieur à la Raison humaine, il lui serait facile de confondre les prétentions de celle ci en acceptant ses critères de vérification et ses armes : qui peut le plus peut le moins.


    Bien entendu, on comprendra que ce qui est dit ici n'est en aucun cas une "attaque" ou un "manque de respect" pour Spinoza, que je tiens pour un des plus grands penseurs qui ont jamais vécu. Mais si la Raison Absolue est, comme je le défends ici, un processus plutôt qu'un stade immuable, alors il est clair que tout penseur, même le plus grand, sera un jour réfuté sous certains aspects, même par quelqu'un de bien inférieur à lui (comme je le suis par rapport à Spinoza) mais bénéficiant des avancées qui ont été faites entre temps par l'intelligence humaine collective : Spinoza ne pouvait pas connaitre Cantor ou la physique quantique.....


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  • Au cours de l'un des trois "grands rêves" (rapportés sommairement dans les "Olympica") par lesquels s'annonce son baptême philosophique, Descartes entend en songe comme un "coup de tonnerre", et, s'éveillant en sursaut, aperçoit flottant dans l'air de sa chambre d'innombrables étincelles.

    Le "coup de tonnerre", pour nous, c'est la première vérité établie péremptoirement sur la terre de l'Absolu (= Dieu) comme étant la Raison (humaine), c'est à dire la pensée qui se fixe des conditions de vérité (et donc aussi de fausseté). Ce qui exclut l'art comme la poésie ou bien la doxa du quotidien (que nous dirons "journalistique"). Les étincelles c'est ce qui reste à sauver de ce que l'on appelle "philosophie" et qui devrait plutôt être appelé "philosopher". La philosophie c'est l'exposition qui est aussi construction du système de la Raison, de la mathesis universalis, une fois trouvée une première vérité (= un objet initial dans une catégorie des vérités) dans l'ordre du savoir (dit "analytique"). C'est en somme la Voie unique. Le "philosopher", c'est le chemin d'accès, propre à un individu particulier compte tenu de ses caractéristiques culturelles, ethniques, historiales, à la philosophie.

    Y a t'il quelque chose à sauver ? c'est une hypothèse qui a été faite ça et là (par Schelling notamment) que la philosophie est aussi son accès à elle même dans un commencement absolu. Dans cette hypothèse, il n'y aurait plus qu'à détruire (à faire table rase) de ce qui prend l'apparence de la raison en se nommant à tort "philosophie" mais participe plus en fait de la religion ou du divertissement. C'est alors une "Destruktion" heidegerienne globale qui est à l'ordre du jour. Point de chemin d'accès, mais une libre décision de l'individu philosophant qui décrète à un point de la durée : "Ici dorénavant la Raison parle".

    Nous ferons ici l'hypothèse inverse (dans le sillage de Hegel par exemple) qu'il y a une propédeutique, un chemin d'accès, des multiples chemins d'accès menant hors de la "brousse" (de la doxa) à la Voie de la Mathesis.

    La tâche qui se propose alors à nous consiste à élaguer, à cribler, à trier , dans ce qui se donne le nom de philosophie, entre ce qui est du domaine de l'utilisable (pour nous) et ce qui est mort.

    A commencer par les grandes philosophies, celles étudiées et sans cesse commentées par  Brunschvicg dans son "Progrès de la conscience occidentale" par exemple : Platon, Descartes, Spinoza, Kant, Fichte etc...

    Prenons par exemple Fichte, que Brunschvicg met au plus haut, dans la querelle de l'athéisme : il oppose de la manière la plus claire qui soit le dieu des traditions ethniques, le dieu de l'homo credulus comme de l'homo faber, celui que l'on prie, auquel l'on demande des faveurs, au Dieu comme horizon et source de l'Esprit de Vérité. Mais cela ne l'empêche pas de mêler à ces  considérations des éléments bien moins purs ressortissant à la morale et au devoir. C'est ici que se situe la tâche d'éclaircissement, c'est à dire au sens propre d'Aufklärung. Faire le tri entre le bon grain (ce qui est purement du domaine de la Raison en acte) et l'ivraie du moralisme , du sentimentalisme et du religieux.

     


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  •   (rectification importante : l'intervention de Badiou se déroulera à 11 h 30 )

    Centre International d'Etude de la Philosophie Française Contemporaine (ENS)

    Série : « Passeurs »

    Journée d'études organisée par G.Bianco et F.Worms

    Jean Hyppolite. Entre structure et existence

    Samedi 27 mai 2006

    Salle des Actes

    Ecole Normale Supérieure, 45 rue d'Ulm, 75005 Paris

     

    9h30 : Ouverture de la journée

     

    9h45 : Pierre Macherey (Lille 3)

    Le Hegel de Jean Hyppolite entre philosophie et histoire de la philosophie.

     

    10h30 : Jérôme Lèbre (Lycée Camille Vernet, Valence)

    Un hégélianisme sans refuge : la pensée de l'aliénation chez Jean Hyppolite.

     

    11h 30 : Stefanos Geroulatos (John Hopkins University)

    L'antihumanisme hégélien de Jean Hyppolite.

     

     

    14h : Giuseppe Bianco (Lille 3, Universita di Trieste)

    Tu quoque Brute, mi fili ? Hyppolite & sons.

     

    14h 45 : Leonard Lawlor (University of Memphis)

    L'immanence est complète. L'héritage de Jean Hyppolite.

     

    15h30 : Alain Badiou (CIEPFC) (Ecole Normale Supérieure)

    Jean Hippolyte, un style philosophique.

     

    16h15 Projection de l'entretien entre Jean Hyppolite et Alain Badiou :

     La philosophie et son histoire.

     

    16h45 Table ronde avec notamment Etienne Balibar (Paris 10) et F.Worms (Lille 3) (CIEPFC).

     

    Pour plus d'informations :

     http//ciepfc.rhapsodyk.net, bepz@liberto.it, f.worms@wanadoo.fr


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  • J'ai longtemps hésité sur l'attitude à prendre vis à vis des diverses superstitions que l'on nomme "religions" ou "sectes" (ces deux termes étant à mon avis interchangeables) : faut il leur laisser la notion de "Dieu" sous la forme grotesque qu'elles en ont formées depuis 2000 ou 3000 ans (celle, tout à fait anthropomorphique et restée en arrière au niveau de la mentalité infantile des âges et sociétés pré-scientifiques, d'un Dieu personnel et législateur, un "Père" qui récompense et qui punit) ? ou bien faut il prendre à bras le corps philosophiquement le "problème de Dieu" et en former une notion toute différente , comme par exemple l'a fait Spinoza dans l'Ethique avec la "Substance", le "Deus sive Natura" (Dieu, ou encore la Nature) ?

    Chacune des deux branches de cette alternative (de ce "point" à traiter selon la terminologie de Badiou) possède ses inconvénients : celui de la seconde est évidemment le risque de confusion entre les deux notions chez des esprits non éclairés (ou voulant, pour toutes sortes de raisons, rester dans la pénombre des "concepts flous"), mais cela n'est il pas déjà le cas avec des mots (qui devraient être plus que des mots !) comme "Amour" ou "esprit" (justement brocardé par Derrida) ? or devons nous laisser "Amour Maitre des cieux" aux chanteurs de variétés ? le chemin de Damas de  Saint Paul mène t'il en dernière instance  à Johnny Hallyday et pas un pouce plus loin ? vous dites ? Mireille Mathieu peut être ?

    La première alternative est celle de l'athéisme philosophique c'est à dire radical (donc n'ayant rien à voir avec le "nihilisme soft" du "sea sex and sun et après moi le déluge nucléaire" que l'on qualifie souvent ainsi). Mais là encore les dangers de confusion, de glissements et de chochottements sont nombreux. C'est ainsi qu'il semble tout à fait oiseux de s'attacher encore aujourd'hui à démontrer la non existence de Dieu (le Dieu des religions) ou bien la non pertinence des différentes preuves (ontologique, cosmologique, ...) qui ont été données de son existence. Ce n'est guère qu'un exercice de logique, et encore... quant aux orientations et aboutissements positifs des différentes philosophies se clamant haut et fort athées, le moins qu'on puisse dire est qu'ils sont mitigés, pour rester poli : le Sartre de "Etre et néant" de 1943 finit  30 ans plus tard en papy gâteau des cortèges gauchistes puis en vieillard gâteux tombé dans les griffes de Benny Lévy alias Pierre Victor, qui lui est passé en quelques années du gauchisme à la Torah et au Talmud. Ce "petit rabbin" (dixit Badiou) doit d'ailleurs avoir une "forte personalité" (accompagnée d'une grande culture) puisque dans ses entretiens avec Finkielkraut ("Le Livre et les livres") ce dernier, qui pourtant n'est pas né de la dernière pluie en matière de philosophie,  prend en quelque sorte la posture de la sainte nitouche rougissante et se laisse violer sans trop protester (il en aurait eu des occasions, par exemple quand Benny Lévy assène des évidences comme : "l'universel c'est le juif").

    Autre exemple de philosophe se réclamant explicitement de l'athéisme : Alexandre Kojève, qui interprète le système hégélien dans une perspective athée radicale. Comment finit il après la guerre ? comme haut fonctionnaire du Quai Branly et discutailleur éminent des réunions et conférences organisant le marché commun européen. On aurait rêvé mieux pour un tel homme qu'un destin de technocrate. Car que l'on ne se méprenne pas, je ne nie pas du tout le génie philosophique (et scientifique car c'était un touche à tout) fascinant de Kojève.

    Sans aller chercher aussi haut, ni rester dans le caniveau évoqué plus haut de l'hédonisme bobo contemporain, on peut se demander si l'athéisme revendiqué d'Onfray ouvre vraiment sur des plus vastes perspectives ? j'ai déjà répondu dans un article précédent. Mais revenant d'ailleurs au caniveau, peut on s'empêcher d'être pris d'une hilarité irrésistible au spectacle de ces "athées" , anciens bouffeurs de curés des années 70, dissertant gravement sur l'islamophobie ? ou bien à celui de Mouloud Aounit, se revendiquant "athée et laïc", et comparant une des caricatures (celle présentant Mahomet avec une bombe sur son turban) aux dessins antisémites des années 30 ?

    Ce qui fait défaut à ces différents athéismes, c'est l'affrontement au problème de la Valeur inconditionnelle. Toute existence humaine doit "traiter ce point", sous peine de régresser dans les "au delà religieux" , ou bien dans le matérialisme démocratique (ou la Valeur inconditionnelle est tenue par l'idéologie des droits de l'homme). Tout le sens de l'oeuvre de Badiou s'éclaire à la lumière de sa doctrine des vérités éternelles. Pour prendre un autre exemple, le sceptique radical Marcel Conche nie Dieu en s'appuyant sur la souffrance des enfants : c'est cela, pour lui, l'inconditionnel, le point d'Archimède  qui le propulse dans l'athéisme. Pour faire court, nous en arrivons ici aux problèmes de la fondation.

    C'est ici que nous devons présenter notre option, dont on se rendra vite compte qu'elle est "forcée" (et on le démontrera) mais pour ce faire je prendrai le détour du spinozisme de Constantin Brunner tel qu'il est présenté sur un ensemble de sites gérés par la même personne  : "Philosophie contre superstition", cf par exemple:

    http://groups.msn.com/PhilosophieetSuperstition

    dont j'extrais ceci :

    " L'analyse des facultés de notre entendement humain par le philosophe juif allemand Constantin Brunner (1862-1937), développant celle de Spinoza dans Éthique II, proposition XL, scolie II, distingue trois genres de connaissance :

    - l'entendement pratique,

    - le penser spirituel ou penser de l’Esprit,

    - le penser superstitieux ou penser de Analogon de l'Esprit

    A ces trois facultés de l'entendement humain correspondent trois « réalités » - ou vérités –, pensées spécifiquement par chacune d’elles. Ce sont respectivement :

    - la réalité ou vérité « relative » de l'entendement pratique

    - la réalité ou Vérité « absolue » du penser spirituel

    - la réalité ou vérité « superstitieuse » de l'Analogon de l'Esprit, ou vérité relative « absolutisée »

    Chez Brunner, l' « entendement pratique » regroupe l'expérience des sens ou penser en images représentatives, source des concepts génériques (Homme, cheval, etc.), correspondant à l' « imaginatio » spinoziste, et le penser des abstractions (langage, causalité, mathématiques, et autres constructions auxiliaires, théorie des atomes, par exemple), équivalant à la « ratio » chez Spinoza. Ce penser pratique nous sert uniquement à vivre et à nous orienter dans notre monde des choses, pas à « philosopher » ! "

    Cette personne, qui gère aussi un groupe "philosophie contre superstition" sur Yahoo, fait du bon boulot en intervenant sur divers sites et en écrivant systématiquement aux différentes "élites médiatiques" (journalistes, hommes politiques, "philosophes", etc..), on s'en rendra compte en tapant par exemple sur Google les mots clés : "Brunner Spinoza Allah" et en lisant sur le groupe Google de philo : http://groups.google.com.bo/group/af.philo?hl=es les envois où il a démasqué le tentatives de récupération du spinozisme par l'Islam (par Abdelwahhab Meddeb en particulier), ainsi que ceux où il dénonce les autres superstitions idéologiques se donnant libre cours dans notre pays.

    Mais la solution que nous proposons ici, qui est celle de Léon Brunschvicg, est entièrement différente, en ce qu'elle refuse de cantonner la raison scientifique au domaine de l'entendement pratique et relatif (aux intérêts biologiques spécifiquement humains). Nous refusons parallèlement la tentative très analogue, chez les idéalistes que sont Hegel ou Hamelin, d'inventer une raison dialectique supérieure à la raison scientifique et s'émancipant pour cela des exigences de la vérification qui sont celles que l'humanité a introduites dans l'histoire de la pensée lors de la naissance de la civilisation il y a 4 siècles en Europe (renaissance plutôt, après la longue éclipse du christianisme suite à l'étouffement de la première civilisation, celle d'Athènes, par les Macédoniens et les sectes asiatiques).

    C'est donc ici que nous donnons notre définition de ce que nous appelons "Dieu" : c'est ce que Brunschivcg appelle la "conscience intellectuelle", à savoir ce qui fait qu'il y a quelque chose comme des vérités , dont les conditions ont été strictement délimitées par la mutation scientifique moderne, et ce qui fait que tous les hommes peuvent être unis dans un même effort d'intelligence. L'amour (spirituel, non pas sexuel) vient donc après et sous condition du travail intellectuel en commun, c'est une différence majeure d'avec le christianisme. Mais encore une fois, aucune obsession puritaine ici, il me suffit de rappeler le bel exemple d'Héloïse et Abélard. Cette "conscience intellectuelle" qui spiritualise l'étendue mondaine dans un réseau de plus en plus serré de rapports intelligibles (d'équations, ou de morphismes dans des catégories), je l'appellerai tout simplement RAISON, ou encore DIEU ("Deus sive ratio") ce que ne fait pas Brunschvicg qui limite la raison à la logique déductive qui ne fait que trouver ce qu'il y a dans les prémisses (les axiomes) , mais chacun est libre de sa terminologie, et la logique de l'invention (qui détermine les "bons" axiomes) est la même RAISON ou DIEU sous sa face analytique (inductive) unie à son autre face synthétique ou déductive.

    Nous connaissons alors sans aucun résidu d'inintelligibilité l'essence de DIEU en prenant part au processus de la RAISON en acte, par exemple dans l'élaboration des mathématiques mais aussi dans le travail philosophique, si du moins la philosophie redevient fidèle à sa vraie nature, celle du mathème et de la mathesis universalis, plutôt que celle des langages (des logoï, privilégiés par Jean Hyppolite dans son commentaire de la Logique hégélienne). C'est même la seule connaissance absolument totale et certaine (par coïncidence) que nous puissions avoir : DIEU comme immanence radicale, comme "transcendance vers l'intérieur" selon la belle formule de Pierre Thévenaz. On y reconnaitra aussi l'essence du cogito cartésien. Assez donc pour l'Essence de Dieu, qui est la chose la moins mystérieuse et la plus transparente que l'on puisse imaginer, puisque la RAISON en acte est intériorité radicale à elle-même. Passons maintenant à la preuve promise de l'existence de DIEU.

    Preuve irréfutable de l'existence de Dieu.

    J'aurais pu arguer de l'existence évidente de la connaissance mathématique comme exemple de la Raison en acte, qui est DIEU. Mais tous ceux qui sont rebutés par ces domaines de connaissance auraient contesté la validité de cette preuve. Mais la démonstration promise est bien plus simple et évidente.  En effet, la solution au problème philosophique de DIEU sera trouvée au terme d'une recherche et d'une discussion argumentée et rationnelle. Depuis la rupture moderne cartésienne, galiléenne et copernicienne d'avec la Scolastique, qui coïncide avec la naissance de la civilisation, il est devenu impensable d'asséner dogmatiquement la solution à ce problème. Même le thomisme en sera incapable : il affirme bien sûr que la doctrine de Thomas d'Aquin est la Vérité, mais s'estime en mesure de démontrer à chacun cette thèse de manière rationnelle. Or quelle est la précondition à une telle discussion ? c'est bien que la faculté humaine de raison et d'argumentation rationnelle existe et soit valide. Donc quiconque s'engage dans la recherche à propos du problème philosophique de Dieu reconnait déjà, par définition, que la Raison existe et est à l'oeuvre. Si donc je définis Dieu comme la Raison, il est évident que la preuve de l'existence de DIEU est donnée du même coup, en ce que toute personne qui nierait cette existence tiendrait un discours auto-réfutant. Et par le même type d'argument il s'agit d'une démonstration irréfutable par principe, puisque là encore toute personne entendant la réfuter s'engagerait dans une recherche rationnelle de la vérité, donc reconnaitrait qu'il existe une faculté, la RAISON, apte à déterminer de manière absolue les vérités. "Si vous reconnaissez ma démonstration, vous la reconnaissez ; si vous la réfutez, vous dites que sa conclusion est vraie, donc vous la reconnaissez. Dans tous les cas vous êtes forcé de reconnaitre que mon argument est valide."

    Unicité de DIEU.

    Il ne peut exister deux Absolus, la démonstration en est donnée par exemple dans l'Ethique de Spinoza. Il ne peut y avoir qu'une seule RAISON absolument universelle, car imaginons qu'il y en ait deux. Pour les reconnaitre comme différentes mais valides en tant que RAISONS, il y aurait besoin d'un cadre supérieur unique, qui jouerait le rôle de LA RAISON, donc ces deux Raisons prétendues apparaitrait alors comme deux instances locales et limitées.

    Je tiens que ma définition de Dieu est la seule adéquate. En effet imaginons qu'il y ait un autre DIEU qui ne soit pas la RAISON : pour en dire quoi que ce soit qui ait une valeur de vérité, vous devriez employer la RAISON, qui apparait donc comme condition préalable à la moindre thèse sur ce prétendu Dieu. Car s'il n'y avait pas la RAISON, qui est le seul Dieu véritable, vous ne pourriez rien dire qui ait une valeur de vérité sur votre prétendu Dieu, qui serait ainsi un Néant, un nuage inconsistant, une flatulence de votre cerveau malade. La Raison est donc en position de condition pour tout autre qu'elle : c'est bien l'Absolu, ou DIEU.

    Et comme il ne peut y avoir qu'un seul Absolu, et que j'ai démontré de manière irréfutable que la Raison existe et est cet Absolu, j'ai démontré par là même que le prétendu Dieu des religions est un faux dieu, et que les religions ne sont que des impostures. Il n'y a qu'un seul Dieu, le dieu des philosophes et des savants, qui est la RAISON.

    Il me reste enfin à répondre aux objections "sentimentales" de la foule des déçus, de ceux qui regretteront le bon vieux Dieu, le "Bon Dieu" comme disait Victor Hugo, le bon papa sur l'épaule de qui on peut toujours s'épancher aux heures difficiles. Ce Dieu, qui a été démontré irréfutablement FAUX, était d'abord le Dieu créateur du monde : mais pourquoi voulez vous que le monde ait un créateur ? ou une cause ? le principe de causalité ne joue que pour les phénomènes intra-mondains, c'est le faire sortir de son domaine de validité que d'en faire un tel emploi. Et pour que le monde prouve son créateur comme "l'horloge prouve l'horloger", encore faudrait il démontrer que le monde est une oeuvre d'art. Conception anthropomorphique dépassée par quatre siècles de science.

    passons au "Bon Dieu" .... mais que veut dire "Bon" ? Spinoza là encore, dans un passage célèbre du livre 1 de l'Ethique, a bien mis en évidence l'origine des dieux de la foule, ceux que l'on prie pour qu'il nous envoient des occurrences favorables et envoient à nos ennemis des occurrences défavorables. Mais comment un tel dieu pourra t'il être universel ? ce dieu et tous les faux dieux de sa sorte trouve son origine dans l'intérêt biologique individuel ou ethnique.  Mais comment ne pas voir que toutes ces luttes pour la possession des ressources, des terres, des femmes, de l'argent, ne mènent qu'à la vanité et au malheur universel et que ce "Dieu", s'il n'était radicalement imaginaire, jouerait le rôle du diable ? un diable donc imaginaire, mais aux effets bien réels, en témoignent les massacres du 11 septembre, ou bien  ceux du Darfour.

    Il existe une voie hors de tout ce cloaque, c'est celle de ce que Brunschvicg appelait la "conversion véritable", par opposition aux fausses conversions qui sont les conversions religieuses : la conversion à l'intériorité de l'Esprit, de la pensée spirituelle, en un mot au DIEU qui est la RAISON, qui ne doit pas faire l'objet de croyances ou de prières mais se trouve (se rencontre, dirait Frossard, nous n'avons pas pu résister à ce clin d'oeil) immanquablement  dans l'inversion de l'orientation , du monde extérieur qui est "là devant" vers l'idéalité intériorisante de la mathesis.

     

     

     

     

     

     


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