• Badiou et Descartes

    Présent hier à la séance de rentrée du séminaire de Badiou : "S'orienter dans la pensée, s'orienter dans l'existence", j'ai eu le bonheur de voir Badiou se réclamer de Descartes, plus précisément il a dit "Descartes m'a beaucoup influencé, beaucoup plus que je ne le croyais moi même avant".


    C'est évidemment en tant que penseur "héroïque" que Descartes a des analogies avec Badiou. Brunschvicg dirait : en tant que penseur viril, fondateur de l'Occident moderne par opposition aux pensées faibles de type mystique et oriental (qu'est ce qu'il ne dirait pas s'il avait connu les escrocs modernes qui se donnent le rôle de gourous ?).


    Badiou trace plusieurs pistes d'influence entre Descartes et lui même:


    -le sujet (le cogito, et aussi le sujet comme "vide" dans l'expérience du doute radical)


    - la pensée de l'étendue comme géométrisable chez Descartes, comme multiplicité indifférente chez Badiou, en tout cas comme "sans aucun sens ni but"


    -la création des vérités éternelles : par un évènement dont découle une procédure, un "corps subjectivable" de vérité chez Badiou, par Dieu chez Descartes : mais j'ai déjà expliqué que le dieu cartésien vient après le cogito, donc si l'on se fie à l'ordre des raisons explicité par Guéroult il n'infirme pas ce qui vient avant, et qui est le véritable apport philosophique de Descartes. D'autre part je tiens que l'on peut donner à ce "dieu" son véritable sens en le remplaçant par la Raison, l'intellect humain, et dans ce cas quoi de plus naturel que de considérer les vérités comme créées par l'Intellect ?


    -la méfiance envers le vitalisme, qui culmine avec la théorie des animaux machines


    -la primauté donnée à la Volonté sur le désir.


    Par contre, les influences cartésiennes sur les thèses de ce blog sont de nature différente : la mathématique universelle est explicitée dans les Regulae, avant les Méditations et le cogito.


    Badiou orientera le séminaire de cette année sur la notion de "traitement des points", cruciale pour s'orienter dans l'existence, dans un monde de plus en plus désorienté (Henry Corbin n'aurait pas dit mieux ! Mort de rire). Il désire s'inspirer à cet effet de la "morale par provision" de Descartes, définie dans la troisième partie du Discours de la méthode, en quatre règles, dont deux sont ordinaires et deux autres héroïques :


    -l'entêtement, une fois qu'on a donné son assentiment


    - la confiance en ses capacités.


    J'ai eu l'enchantement de le voir expliquer le "larvatus prodeo" comme une "tactique" de Descartes, un peu un "deux pas en vant, un pas en arrière". Il y a une analogie avec le "caute" de Spinoza. Pour moi en tout cas c'est une raison supplémentaire d'admirer Descartes : je déteste les inconscients qui foncent au devant du danger quand ce n'est pas absolument nécessaire, et le fait que Descartes ait rangé son "Traité du monde" dans les tiroirs quand il a connu les ennuis de Galilée prouve qu'il était malin et prudent.


    Autre point important qu'a développé Badiou : la double stratégie du "pouvoir" en ce qui concerne les "points", (qui, je le rappelle, sont dans un "monde" la convocation du sujet d'une procédure de vérité à la rencontre du "deux", à la nécessité de faire un choix absolu ) : soit essayer de suggérer que le monde est atone, qu'il n'y a pas de points, que tout cela est "un résidu d'idéologie" qui entraine vers l'extrémisme. Soit expliciter de "faux points", Badiou donne comme exemple le "choc des civilisations entre islamisme et démocratie occidentale", qui n'a selon lui aucune portée de vérité, même s'il en a une de teneur "étatique"


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